jeudi 1 décembre 2011

Religion Palombe

Ce que je connais de la palombe, je le dois à mon grand-père. Il attendait cette période de chasse, comme moi j’attendais les vacances scolaires. Comme tous les enfants, j’étais très sensible au fait qu’on tue des animaux, mais lui ne tuait que des palombes. J’ai en souvenir ces après-midi entiers qu’il passait dehors, par n’importe quel temps, le froid, la pluie… Il rentrait après la tombée de la nuit, souvent sans rien, mais heureux parce qu’il avait vu un vol, ou un chevreuil, ou un écureuil ou un rouge-gorge qui s’approchaient de son abri sous un grand houx. Quand, par chance, il en rapportait une, il la plumait lui-même, doucement pour ne pas déchirer la peau fine. Je regardais ces belles plumes grises, aux reflets mauves et bleus, le collier blanc, qui faisait dire à mon grand-père qu’elle était jeune. Je l’interrogeais sur ces paupières mi-closes qui couvraient une partie des yeux noirs, et grand-père disait en souriant qu’elle était morte avant d’avoir eu le temps de les fermer, qu’elle n’avait pas souffert. Il m’expliquait le grand voyage des palombes qui aiment le soleil et vont là où elles en trouvent. Ici, elles ne font que passer. Elles se posent pour récupérer, pour manger des glands ou du maïs et passer la nuit avant de repartir. « C’est là que je les attends au poser, mais elles sont très malignes, très méfiantes, il ne faut pas un bruit, pas un mouvement, il faut être prêt. C’est comme une partie de cache-cache. Tu sais, avoir une palombe ça se mérite, moi, je ne triche pas, je ne les appelle pas, je ne les attire pas dans un filet. C’est juste entre elles et moi. Des fois je gagne, mais souvent je perds. C’est la règle du jeu… » Quand il y avait suffisamment de palombes, grand-mère nous préparait son salmis, c’était un festin. Je me souviens que je mangeais plus de carottes que de viande, mais que c’était bon ! Et grand-père disait toujours que « ça se mangeait religieusement, parce qu’ici, la palombe, ce n’est pas une culture ou une coutume, c’est une religion ! » Émilienne MORO - Ousse

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire