jeudi 1 décembre 2011

La relève

Il est cinq heures du matin quand j’arrive enfin. Je gare ma voiture le long de la prairie. Chaussant mes bottes je commence à la traverser. Sur ma droite se trouve la caravane que mon père, quelques années auparavant, avait fait installer avec tout le confort nécessaire. Aujourd’hui, c’est mon frère qui l’occupe la moitié de l’année, car, depuis peu, il est à la retraite. Toutes les lumières sont éteintes, il doit encore dormir. La brume recouvre la prairie, j’ai du mal à apercevoir l’entrée de la forêt, par là où, enfants, nous passions. Il faut dire que je ne suis pas un féru de la chasse à la palombe et qu’il y a bien longtemps que je n’étais pas venu. Une fois à l’intérieur de la forêt, je suis le sentier jusqu'à la fameuse échelle qui me mènera à quinze mètres au dessus du sol dans la palombière. Je commence mon ascension, me rappelant à mi-parcours la voix de mon père, qui plusieurs fois, m’avait intimé l’ordre de ne plus bouger, un vol étant en approche. Je finis par arriver au sommet et soulève la trappe. Celle-ci me mène à un espace où sont entreposés vaisselle, couverts, bouteilles et affaires diverses. Quelques marches au-dessus se trouvent les appelants. Ce sont des pigeons auquel's mon frère à blanchi les ailes à l’eau oxygénée, servant à attirer les palombes sur les cimes des arbres. Finissant d’ouvrir le dernier battant, je suis une fois de plus stupéfait par la beauté du paysage. Le soleil pointe le bout de son nez et transforme cette immensité noire en une merveilleuse vague verte qui s’étend à perte de vue. Je commence à comprendre le plaisir que devaient ressentir mon père et mon frère. Scrutant l’horizon, je vois au loin une tache sombre. Fort heureusement, mon frère vient d’arriver et prend le relais, relevant le battant. Une lucarne nous sert maintenant d’objectif. Me demandant de prendre les ficelles des appeaux, il lâche les appelants. M'ordonnant de tirer un coup à gauche, un coup à droite. Ça avait l’air de marcher. Après deux tours au-dessus de nos têtes, le vol se pose enfin. À ce moment-là, mon frère ayant déjà pris son fusil tire deux coups ! Il me demande de descendre ramasser les deux palombes qu’il vient de toucher. Au milieu de la descente, mon frère m’ordonne de ne plus bouger, un autre vol étant en approche. Cela me fait sourire. Cette fois-ci, il est seul aux commandes. Une autre détonation, une autre palombe. Je retrouve les trois palombes encore toutes chaudes. C’est à ce moment-là que je comprends la passion qui animait mon père, mon frère et un jour, sans doute, mon neveu. Levant les yeux au ciel, je me dis que mon père devait nous regarder avec fierté sachant que la relève est assurée. Edy Caza - Aste Béon

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