jeudi 1 décembre 2011

Deux Palombes

Bien des chasseurs pensent que leur rôle s'arrête au pied de la palombière et, après avoir déposé avec fierté leur tableau de chasse sur la table de la cuisine, ils comptent sur leur mère ou leur épouse pour préparer un bon salmis. Or, la valeur du chasseur est sublimée si, à l'art de tuer le gibier, il ajoute des talents culinaires, car sa cruelle passion se voit justifiée dans l'élaboration de ce plat savoureux et convivial. Ainsi donc, sans songer au triste destin des palombes qui remplissaient mon assiette, je dégustais les salmis avec lesquels un de mes beaux-frères, seul chasseur de la famille, savait régaler ses convives. Je n'aurais pas eu d'autre relation avec cet oiseau migrateur, qui vient obstinément chaque automne fréquenter nos cieux béarnais, si quelqu'un en guise de remerciement pour un petit service rendu, n'avait un jour d'octobre déposé deux palombes derrière les volets de notre cuisine. Quelle surprise lorsque je découvris sur le rebord de la fenêtre ces deux cadavres me fixant de leurs yeux encore étonnés ! Qu'allais-je faire de ces petits corps raidis, soudain si lourds dans mes mains désorientées ? Après quelques jérémiades libératrices, je me mis au travail, les doigts crispés sur le plumage de la première palombe. Très vite, des nuages de plumes volèrent de tous côtés, envahirent le plan de travail, couvrirent le sol... Changeant de tactique, je décidai de tremper mes victimes dans de l'eau chaude, hélas un peu trop, car, dans mes mains les plumes restèrent alors accrochées à des lambeaux de chair ! Je refoulai des larmes de honte et de dépit et, pensant que toute connaissance passe par l'inexpérience et la maladresse de la première fois, je décidai d'user de persévérance dans l'effort... Il me fallut beaucoup de dextérité pour déshabiller les deux volatiles, mais je découvris leur habit élégant, doux et protecteur ; il me fallut beaucoup d'abnégation pour vider les entrailles des palombes enfin dénudées, beaucoup d'hésitations pour les découper en morceaux et beaucoup de patience pour obtenir ce qui me sembla la cuisson idéale, mais quelle ne fut pas ma satisfaction lorsque je reçus des compliments pour «ma» recette !

MClaude Petchot - 0ctobre 2011 - Ger

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